Sélectionner une page

Thomas Wardle est né dans une famille de teinturiers en 1831, près de Manchester (Angleterre). Entraîné par sa passion créative, il devient le grand défenseur de la soie anglaise, voyageant beaucoup, l’esprit ouvert aux influences (indiennes en particulier) et aux possibilités offertes par cette fin de siècle.
L’artiste William Morris cherchant à retrouver le savoir-faire médiéval pour lutter contre la mécanisation du travail, prend contact avec Thomas Wardle qui est l’un des derniers à utiliser les blocs de bois et non les rouleaux pour imprimer ses tissus. Ensemble, ils développent une gamme de teintures naturelles qui peut être utilisée sur les soies tussore ou tassar (écheveaux et tissus), que Wardle importe d’Inde.

Housse de coussin, 1885, 47.5 x 71 cm / T.269A-1979 © Victoria and Albert Museum, Londres

Housse de coussin rectangulaire en velours de coton imprimé au bloc. Le dessin montre un motif indien de cocardes de deux plantes stylisées de type palmette, alternativement répétées verticalement et horizontalement. Chaque motif est entouré d’une tige feuillue incurvée et il y a des boutons floraux aux intersections des cocardes. Le motif est imprimé dans des tons de vert et d’orange avec des contours marron foncé sur un fond orange/marron moyen.
Les blocs de ce textile ont été coupés pour un tissu plus large que celui-ci car le motif se poursuit sur les deux lisières.
Les bruns et les verts distinctifs montrent qu’il a été spécialement conçu pour les clients qui préféraient une décoration dans le goût dit Esthétique.

C’est en Inde que Wardle apprends comment améliorer les techniques d’impression au bloc et certaines teintures végétales. Il a également utilisé des motifs orientaux historiques pour son travail, collectés à la fois à partir de sources imprimées et d’objets collectés lors de ses voyages à l’étranger. Ce motif avec sa coloration chaude de bruns et de rouges rouille est clairement influencé par le design indien.

La soie tussore est produite par un ver vivant dans les forêts. Ses fibres sont plus courtes que celles de la soie traditionnelle de culture. Elle possède une brillance dorée matte naturelle et une texture plus marquée.
Le tissu de base en soie de tussore est naturellement beige. C’est en 1877 que Thomas réussi à trouver comment utiliser des teintures végétales et minérales permettant de teindre la soie avec n’importe quelle nuance requise.

Tissu d’ameublement, 1885-90,70 x 80.5 cm / T.275-1965 © Victoria and Albert Museum, Londres

Comme de nombreux modèles Arts and Crafts, cet imprimé de bourgeons de chrysanthème et de feuilles s’inspire des formes et des couleurs des fleurs du jardin. Le chrysanthème est également un motif très utilisé dans le design japonais et Wardle était très intéressé par les motifs orientaux, voyageant beaucoup pour recueillir des idées.

Il donne à sa femme Elizabeth quelques brins de soie tussore et lui demande de concevoir une nouvelle forme de broderie, dans l’espoir d’encourager les brodeuses à utiliser ses soies. Les teintures produisent des tons presque inaltérables, clairs, doux et brillants, qui contrastent fortement avec les nuances dures de l’aniline ou des laines teintées chimiquement utilisées dans les broderies de Berlin. Elizabeth est déjà connue pour son habileté à mélanger les couleurs et pour ses talents de brodeuse.

En 1879, elle, met sur pied une école de broderie. Tout en permettant de mettre en valeur les produits fabriqués par son mari, elle offre aux femmes en difficultés financières un moyen « digne » de gagner leur vie.

Tapis, 1880, 67.5 x 51 cm / 4554(IS) © Victoria and Albert Museum, Londres

Les fleurs ont des clous métalliques attachés au centre et sont bordées de fils d’or. Le dos est en soie de tussar écru, imprimé d’un motif floral de Thomas Wardle en ocre jaune. Franges en soie couleur or.

Elizabeth pose les bases d’une broderie unique : les œuvres utilisent de la soie toussur légèrement moulinée travaillée en différentes épaisseurs, une petite variété de points pour produire des textures et des ombrages variés, et la pose de fils d’or (et parfois de paillettes) en provenance de Chine ou du Japon.
Des brodeurs qualifiés avec un bon sens du design pouvaient créer des broderies très originales qui étaient loin d’être des copies directes du motif imprimé.
La Société organise également la vente de kits de broderie complets par la poste, avec un coin déjà brodé servant d’exemple (on retrouve cette manière de faire chez Morris et Co).

Panneau 1885, 74 x 28 cm / T.325-1982 © Victoria and Albert Museum, Londres

Panneau brodé au motif anglo-indien travaillé aux fils de soie. La broderie montre un motif ramifié de feuilles et de fleurs en forme de palmettes travaillées dans des tons de vert, crème, rouge et rose. Il y a une bordure étroite en haut et en bas avec de petites fleurs stylisées à la tige incurvée. Ces fleurs sont travaillées au point de feston tandis que le reste de la broderie est travaillé en points fendus et au passé empiétant en soie sur un fond de soie tussor. Du fil d’or japonais a été couchés autour des sections du dessin.
La broderie est travaillée sur un fond de soie pré-imprimé.

Les artistes designers de l’époque, tels que William Morris, Walter Crane et des architectes tels que John D. Sedding, Norman Shaw et George Gilbert Scott ont employé la Leek Embroidery Society pour broder des vêtements liturgiques et des nappes d’autel des églises qu’ils construisaient, principalement dans le cadre du Renouveau Gothique. On peut d’ailleurs toujours admirer ces pièces sur place.

La Société s’est rapidement forgé une réputation pour ses travaux raffinés qui ont été présentés dans des expositions internationales et ont remporté de nombreux honneurs prestigieux.

Panneau, 1892, 78.8 x 78.8 cm / T.38-1953 © Victoria and Albert Museum, Londres

Cet exemple aurait été brodé en 1892 par Frances Mary Templeton de Helensburgh en Écosse dont le beau-frère possédait la firme Anderson & Robertson. Cette entreprise produisait la soie utilisée par Thomas Wardle.
Cette pièce est travaillée au passé plat et au point de tige, avec des fils couchés. Le motif de cette broderie montre l’influence des chintz imprimés du début du 18e siècle du type fabriqué en Inde du Sud sur la côte de Coromandel. Elle s’apparente également aux broderies travaillées en Inde durant la seconde moitié du XIXe siècle pour le marché occidental. Ceux-ci sont devenus très populaires en Angleterre et ont été vendus dans des magasins à la mode tels que Liberty.

Thomas Wardle part en Inde pour la première fois en 1885 afin de créer une collection de textiles et de broderies en soie pour l’exposition Coloniale et Indienne. Il a ensuite visité le Bengale pour faire un rapport sur la fabrication de la soie locale. Il conclut que l’Inde pouvait fournir la plus grande partie, sinon la totalité, des matières premières dont l’Angleterre avait besoin, et ses conseils contribuèrent à apporter du travail et des revenus à de nombreuses personnes de la région.

Tapis (dos), 1880, 63.5 x 51 cm / 4560(IS) © Victoria and Albert Museum, Londres

Tapis brodé, soie de tussar écrue, fils de soie et d’or. Le motif est probablement un dessin de Thomas Wardle nommé Multan Mayblossom. On peut le voir au dos, sans broderie.

 

Tapis brodé, 1880, 74 x 46.5 cm / 4550(IS) © Victoria and Albert Museum, Londres

 

Texte : Claire de Pourtalès
Sources
Meg Andrews / http://www.victoriana.com/Embroidery/LeekEmbroiderySociety.htm
TRC Leiden / https://www.trc-leiden.nl/trc-needles/organisations-and-movements/educational-institutes/leek-embroidery-society
The Wardle Heritage / http://wardleheritage.org.uk/?page_id=54
The V and A Museum – recherche: Leek embroidery